Les agressions par irritation - Fléau des familles

Les agressions par irritation - Fléau des familles


C'est l'hiver. Il pleut sans discontinuer depuis presque deux mois. Et comme tous les ans à cette période de l'année, on m'appelle régulièrement suite à une morsure plutôt sérieuse sur un des membres de la famille par le chien du foyer.


Jafar à mordu au visage jusqu'à l'hospitalisation de sa propriétaire


J'imagine que le temps pluvieux joue sur le manque d'activité du chien, et ne fait que renforcer la lassitude du chien face à son enfermement. Mais la morsure dans le foyer a souvent une origine plus profonde. Une poudrière qui ne demandait qu'à exploser depuis un certain temps.

Les victimes sont toujours surprises par la morsure. Aucun ne s'attendait à ce que tout dérape à ce point ce jour là. Pourtant à y regarder de plus près, les signes étaient souvent là depuis des années.


Recette maison de la morsure par irritation

Faible tolérance à la contrainte + anxiété = poudrière TNT


Si on combine les ingrédients et qu'on les laisse macérer suffisamment longtemps, on peut assister à une agression qui prend souvent cette tournure:

Le chien est en train de dormir paisiblement sur le canapé, le propriétaire lui fait un bisou avant de partir au travail comme tous les matins. Sauf que ce matin, le chien s'est retourné et a mordu le visage très fort. Une seule fois. Il n'a pas tenu prise, et semble avoir aussi peur que le propriétaire une fois l'acte délictueux consommé. Il court se punir tout seul à son panier et tremble comme une feuille morte face à un propriétaire littéralement scotché jonglant entre colère, douleurs, incompréhension et absence de réponse adaptée sur le moment.

Et mon téléphone sonne.

Cette histoire on me l'a raconté 100 fois déjà.

Avec l'expérience et les retours d'histoires, je commence à mieux isoler les ingrédients incriminés dans ce type de morsure.


Un chien qui ne sait pas partager 

"Il apporte sa balle mais ne la rend jamais!"

Un trait de caractère souvent commun. Le chien semble être très possessif. Quand il trouve un objet il le garde...ardemment!

Pour moi c'est un des signes d'alerte les plus forts. Le problème n'est pas qu'il aime (passionnément) les balles, les bâtons, ou les os à macher. Le problème est que ça lui coûte beaucoup d'accepter l'idée de les perdre. Il a un manque de maturité certain dans ces situations. Tant qu'il se sent menacé, tant que l'hypothèse de la perte d'un objet provoque un sentiment de stress puissant, toutes les situations où le chien sera en présence d'un objet le rendront irritable, nerveux. 


On reapprend a Jafar à accepter notre présence en le dessenssibilisant


Peut être a-t-il été privé par force de tout ce qu'il ramassait dans le rue plus jeune? Ça arrive souvent quand on retire brutalement tout ce que le jeune chiot prend en gueule. Travailler le troc est la meilleur façon d'apprendre à un jeune chien à accepter l'idée d'abandonner un objet.

Peut être n'a-t-il pas eu de copains chiens avec qui remiser avec plaisir le bâton qu'il avait trouvé plus jeune? Plus le chien prend plaisir à tirer, jouer, voler un objet avec des congénères, sous couvert de règles de jeux acceptées, plus il tolère leur présence. 

Au contraire, un chien peu confronté au partage en sera craintif. Également, un chien trop confronté à la compétition avec des congénères violents sera aussi craintif.

L'équilibre est parfois dur à trouver. Quand le jeu n'est plus jeu, il dessocialise et sème les graines de la peur...et des futurs agressions.

Pour résumer, pas assez de partage, ou des pertes perçues comme trop violentes poussent le chien à devenir gardien.


Une dépendance affective certaine 

"Il me suit partout, je ne le laisse jamais seul pour ne pas qu'il fasse de bêtise "

Il s'agit du 2eme point qui me fait tilter. C'est le signe d'un chien plutôt anxieux qui gère mal ses émotions. Et des stress.

C'est le point commun de toutes les morsures. Un chien avec une fragilité affective et un manque d'autonomie est incapable de gérer un stress efficacement. Le temps passant, et les autres sources de stress se rajoutant (l'enfermement de l'hiver, un propriétaire qui du jour au lendemain retrouve un travail etc...) le chien se fait peu à peu déborder. Et quand le lait commence à bouillir dans la casserole...

Le gros du travail pour aider le chien à être moins anxieux va passer par plusieurs phases:

-Une dépense physique et des activités variées pour qu'il retrouve et diversifie ses sources de plaisirs. À rester trop isolé et enfermé jamais il ne peut s'aérer correctement la tête. Reprendre goût à la vie est indispensable pour lutter contre les états anxieux du chien.

-Une bonne dépense permet d'aider le chien à retrouver son autonomie, notamment quand il se repose. C'est une étape clef: il a besoin d'apprendre à lâcher prise pour se reposer, et ne plus être dans l'hypervigilance. Et oui, à force de vous coller partout le chien devient tellement sensible à vos déplacements qu'il apprend à ne dormir que d'une oreille. Le moindre bruit le sensibilise et le rend hyper réactif...d'où la morsure classique quand il dormait...pas si profondément!

-savoir quand vous êtes disponible, et quand vous ne l'êtes pas, pour lui permettre de lâcher prise.

-tous les exercices basés sur les propositions du chien avec des récompenses sont importants. Ils permettent de réapprendre à toucher le chien et à interagir avec lui de manière apaisante, ludique et renforce la complicité. 

-Dans les cas les plus graves, le véto peut donner un coup de pouce aussi. Certains chiens sont dans un tel niveau de stress, allant à se mettre physiquement en danger (automutilation etc...) qu'une aide médicamenteuse peut soulager le temps de redonner un nouveau cadre de vie plus apaisant.

-Les soins alternatifs, certains propriétaires ont un attrait instinctif vers quelque chose moins médicale et de plus novateur! Tout ce qui permet de reprendre confiance est bienvenue!


Des espaces de repos partagés ...de force!

"On partage tout. Il peut monter dans le lit, dans le canapé. Quand je bouge la couverture, il grogne!"

Le problème de la dépendance, c'est qu'elle s'insinue partout. 

Le chien collant le propriétaire comme une glue, il se retrouve à devoir partager ses espaces de repos, et s'y retrouve en conflit en permanence! 

C'est le serpent qui se mord la queue.

Plus le chien est anxieux, plus il colle le propriétaire dans ses espaces de repos, et plus le chien est agacé de partager (chose qu'il ne sait pas faire) ces mêmes espaces. 

Il est important d'apprendre au chien à se reposer dans un endroit calme. Où il ne se sente plus en compétition. Donc ni dans un passage, ni dans le canapé. 

Qu'il monte pourquoi pas, à condition qu'il accepte d'en descendre facilement!

Jack peut dormir sur le canapé, faire un calin et apprécier ce partage, et partir quand j'ai besoin de l'espace. Mais tous les chiens ne sont pas cette tolérance au partage...





Une tolérance à la contrainte insuffisante, anxiogène. 

" Quand je mange, mon assiette devient son assiette il est pénible! Quand les invités sont là c'est encore pire!

Quand je le chasse il me grogne dessus..."

Le classique du chien qui gère mal la frustration et la manipulation forcée. Le dernier ingrédient pour avoir un chien très réactif au contact. On le reconnaît facilement, il n'aime pas se faire brosser, ni essuyer les pattes

Ce caractère se construit souvent par 2 facteurs: 

-Des punitions physiques oppressantes où le chien n'a pas appris à se sortir du conflit et redescendre en pression. Typique du chien qu'on a plaqué au sol, qui s'est débattu, et au final où le conflit ne s'est jamais vraiment fini.

Ou même simplement du chien qu'on maintient dans un niveau de stress fort en continuant à soutenir son regard dans le conflit. Un scène digne des meilleurs far West se dessine. Qui degainera le premier? 

Il est indispensable d'apprendre au chien à partir. A pouvoir de lui même quitter une zone de conflit, et de savoir que cela suffit à stopper le conflit. Souvent on finit par avoir simplement un chien surexcité dans ces scènes de vie, incapable de trouver la sérénité nécessaire car le propriétaire a du mal à apporter une autorité apaisante. Le conflit larve...et se ritualise.

Les exercices de sélections permettent d'affiner la compréhension du chien et d'être guidé. Typiquement apporte la baballe! Non pas le cochon, la baballe! Une configuration où le chien se fait guider et apprend l'échec.

-Un chien qui n'a pas appris à accepter le contact, ou qui en a peur. 

Tous les exercices de manipulations sont importants. Il faut pouvoir se réapproprier le contact et le rendre au mieux apaisant, au minimum toléré. 

Les massages, les brossages, les soins, les calins doivent être régulièrement prodigués pour apprendre au chien à accepter le contact physique


Tous ces ingrédients sont liés aux autres.

Quand on analyse un peu les mécanismes derrière, on voit qu'un trait de caractère influe sur plusieurs facteurs d'agressivité.

Dans tous les cas, et même si ça peut être un sacré travail, il y a toujours des solutions à apporter pour régler le problème. Un problème de fond donc, et absolument pas un chien qui à "vrillé" tout seul sans raison.


Faites vous accompagner dans les troubles de comportements de votre chien par un pro!

Et partagez l'article si vous voulez aider un proche en difficulté !


Steve

Académie Des Chiens de Paris. 




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